REMED : Interview de Docteur Carinne BRUNETON, Déléguée Générale, lors de son récent séjour à Bamako. PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Dr COUMARE et Dr OCB.   
Jeudi, 03 Octobre 2013 00:07

Le 27 septembre 2013, Madame Bruneton du Réseau Médicament et Développement (REMED)  était l’hôte à dîner du Président du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Mali (CNOP), Dr Abdou DOUMBIA, au restaurant Balasogo du Parc National du Mali. C’était en présence de Dr Sekou BAH, chargé du Centre d’information Pharmaco thérapeutique du Mali et de deux (2) administrateurs de votre site à savoir, Dr OCB et Dr COUMARE.

En marge de ce dîner, elle a eu l’amabilité de nous accorder une interview au cours de laquelle elle a évoqué l’objet de son séjour, le rapport de REMED et les siens propres  avec les pharmaciens du Mali, les enjeux et...

les perspectives de la lutte contre la vente illicite et la contrefaçon des médicaments.

Dr OCB: Bonjour Madame, pouvez-vous vous présenter pour les visiteurs du site web du CNOP.

Mme BRUNETON: Je suis Dr CARRINE BRUNETTON  pharmacien. J’ai travaillé en République de  Cote d’Ivoire comme pharmacien hospitalier dans une localité située à 60 km d’Abidjan entre 1986 et 1991.

De 1993 à 2012 j’ai servi en tant que déléguée régional e dans un réseau qui a largement contribué à l’évolution de la politique pharmaceutique dans la sous-région.

Actuellement je soutiens les activités de REMED ainsi que celles de l’UNICEF dans le domaine de l’animation communautaire pratique sur le médicament.

Dr OCB: Dans quel cadre se situe votre visite au Mali ?

Mme BRUNETON: Je suis ici au Mali dans le cadre d’un projet initié par le Ministère des affaires étrangères françaises et REMED en vue de mettre en place quatre centres d’information pharmaceutique en Afrique. Il s’agit du Benin, du Cameroun, du Mali et de la Mauritanie.

C’est également pour lancer le site web qui est un autre élément de la collaboration entre REMED  et APSAN (Association pour la promotion de la Santé). L’ouverture de ce site dirigé par Dr Bah SEKOU a pris un peu de retard à cause de la crise qu’a traversé le Mali.

D’autre part, nous apportons notre assistance en matière de l’amélioration et le contrôle de la qualité des médicaments, la lutte contre la  vente illicite des médicaments, l’efficacité ainsi que le bon usage des médicaments afin d’en éviter leur gaspillage. L’adresse URL de ce site est le suivant : www.cipt.info/mali

Dr OCB: Pouvez-vous nous parler de REMED ? (date de création, missions et fonctionnement).

Mme BRUNETON: Le REMED a été créé en 1993. Il s’agit d’un réseau de deux milles (2 000) professionnels de santé : pharmaciens, médecins etc.

C’est un organe qui sert d’interface pour échanger des informations et a pour objectif, l’amélioration de  l’accès aux médicaments de qualité tout en favorisant  leur bon usage.

Ce réseau mène aussi des campagnes pour la promotion des médicaments essentiels surtout au moment où les pays de la zone franc venaient d’être frappés de plein fouet par  la dévaluation du franc  CFA.

Vous n’êtes pas sans savoir que la cherté des médicaments après la dévaluation a été un facteur favorisant le marché illicite. C’est ainsi donc que nous avons entrepris des campagnes de sensibilisation sur les dangers liés à ce fléau.

D’autres part nous avons demandé l’arrêt de dons de médicaments effectué par les ONG et autres confessions religieuses qui étaient en réalités détournés à d’autres fins et servaient plutôt à alimenter le marché illicite.

D’ailleurs je vous invite à visiter notre site web dont l’adresse est www.remed.org , vous y trouverez d’autres activités menées par notre organisme.

Dr OCB: Est-ce que médicaments essentiels rime toujours avec qualité ? qu’est ce que vous pouvez donner comme garantie à nos visiteurs par rapport à la qualité des médicaments essentiels ?

Mme BRUNETON: Le concept de médicaments essentiels est en lui-même irréprochable car son but est de rendre les soins disponibles, accessibles (géographiquement et financièrement). A cela il faut ajouter et insister sur la qualité des médicaments gage d’efficacité, de fiabilité et de sureté.

En plus il faut mettre en place des techniques d’approvisionnement fiables dans les pays respectifs. C’est ainsi qu’un réseau a été établit entre les différentes centrales d’achat. Ce réseau s’appelle «QUAMED» et  est basé en Belgique. En principe, la PPM doit y être d’ailleurs affiliée. Ce réseau dispense des formations nécessaires sur les techniques d’achat  sûr et en plus, il fournit des moyens pour vérifier les informations sur les  différents fournisseurs.

Dr OCB: Quelles sont les réalisations de REMED depuis sa création ? (quel bilan à son actif ?)

Mme BRUNETON: Le REMED a mené des campagnes en faveur de la promotion des médicaments essentiels. Il intervient aussi à travers diverses activités comme les conférences, les fora, le site web, les ateliers pour échanger des informations sur la disponibilité et l’accessibilité de médicaments de qualité à moindre coût.

Nous faisons la formation des professionnels de santé pour le bon usage des médicaments ainsi que la prise en charge de certaines pathologies comme le VIH/SIDA.  A ce titre les agents sont formés à la gestion et à la dispensation des ARV.

Le réseau est une plate forme pour échanger les informations utiles pour le bien de nos populations dans un contexte de disponibilité et de  sécurité dans la prise en charge de différentes pathologies ainsi que dans la dispensation des médicaments.

Dr OCB: REMED intervient dans combien de pays dans le monde et particulièrement en Afrique ?

Mme BRUNETON: Nous intervenons essentiellement en Afrique francophone, en Haïti et dans certains pays de l’Asie tels que le Cambodge et le Laos.

Dr OCB: Quels sont vos rapports avec les pharmaciens maliens ?

Mme BRUNETON: Nous entretenons des rapports étroits de collaboration avec nombre de pharmaciens hospitaliers au Mali (Hôpitaux du Point G et du Gabriel Touré) dont je salue le professionnalisme et l’engagement aux cotés des populations.

Nous avons formé des pharmaciens maliens qui à leur tour sont devenus formateurs eux aussi (ESTER) sur la dispensation des ARV.

Nous travaillons également avec la DPM, le laboratoire BIOFORCE. Cette collaboration a permis à certains pharmaciens maliens de bénéficier de formation de DEU de Ouagadougou au Burkina Faso.

Sans oublier les trois (3) campagnes de sensibilisation contre la vente illicite des médicaments que nous avons déjà menées en collaboration avec l’ordre des pharmaciens du Mali dont la dernière a ciblé les élèves du primaire.  Aujourd’hui, il s’agit de mesurer l’impact de ces différentes campagnes passées.

Nous avons aussi mené une étude sur l’évolution du secteur pharmaceutique privé au Mali entre 1960 et 1993 publié par l’OMS.

Dr OCB: Que pensez-vous de la lutte contre la vente illicite et la contrefaçon des médicaments au Mali ?

Mme BRUNETON: Il y a des erreurs à ne pas commettre et, au Mali il y’ a un risque particulier lié au nombre pléthorique  de sociétés d’importations ou de vente en gros. En France il y’en a 20 seulement pour 60 millions d’habitants mais, au Mali on en compte 75, ce qui est trop élevé et rend le contrôle difficile au niveau du cordon douanier et au niveau de leur fichier client. Et nul ne doute que la pléthore de ces sociétés et le faible niveau de contrôle de leurs activités contribuent à alimenter le marché illicite du médicament.

Pour plus d’efficacité, il faut former les inspecteurs de la santé dans le domaine spécifique de la lutte contre la vente illicite et la contrefaçon des médicaments. Il faut également une forte implication de la douane et des autres services de répression  pour mettre fin à ces pratiques criminelles. La convention Medicrime que le Mali a signé, la vente illicite et la contrefaçon des médicaments  constituent bien des crimes.

Je vous rappelle que la crise que le Mali traverse actuellement est fondamentalement liée à trois choses : le trafic de drogue, celui des armes et du médicament.

Les narcotrafiquants  se cachent derrière la vente illicite de médicaments pour véhiculer la drogue et les armes.

Dr OCB: Quelles sont les difficultés rencontrées par REMED dans le cadre de ses activités en Afrique et particulièrement au Mali ?

Mme BRUNETON: Nous traversons des difficultés transitoires et financières. Nous avons été obligés de réduire  notre effectif. Heureusement le système de bénévolat nous aide beaucoup à cet effet. Toutefois nous osons espérer que ces difficultés se dissiperont incessamment. Nous avons bon espoir surtout grâce à la campagne menée auprès de l’Etat français par les Ordres professionnels de Santé de divers pays que nous remercions.

Dr OCB: Quelles sont les perspectives à court, moyen et long termes ?

Mme BRUNETON: Nous comptons travailler sur le paludisme dont les enfants et les femmes enceintes payent le plus lourd tribut en termes d’incidence et de mortalité.

Nous allons accentuer nos actions sur la formation des professionnels de la santé. L’amélioration et le renforcement des ressources humaines seront entre autres  activités prioritaires.

L’autre axe non moins important sera la formation des inspecteurs de la santé et militer pour qu’ils puissent être dotés de pouvoirs légaux  dans le cadre de la lutte contre la vente illicite des médicaments.

Nous nous battrons aussi pour la criminalisation de cette vente illicite et nous allons tenter d’associer et sensibiliser les juges aux dangers liés à cette activité condamnable sur toute la ligne.

Nous avons le devoir et l’obligation de protéger nos populations des graves dangers tels que les maladies de rein, du foie et autres résistances développées par les antibiotiques liés à ce fléau

Dr OCB: Avez-vous un dernier mot ?

http://cnop.sante.gov.ml/images/stories/remed4.pngMme BRUNETON: Je terminerai par remercier l’Ordre des Pharmaciens qui nous a soutenu et a écrit au gouvernement français pour montrer l’importance de REMED.

Nous le remercions pour la qualité de notre collaboration notamment dans le domaine de la formation, l’information et la sensibilisation pour d’une part la disponibilité de médicaments essentiels de bonne qualité, moins chers et d’autre part dans le cadre de la lutte contre la vente illicite des médicaments.

J’exhorte le Président du CNOP à écrire à son homologue français pour plus de précision sur les distributeurs qui ont leurs bureaux en France mais dont les commandes quittent directement la Chine ou l’Inde pour atterrir en Afrique sans contrôle préalable.

Nous remercions tous les pharmaciens maliens pour leur hospitalité légendaire.

 

Interview réalisé par Dr COUMARE Soumaïla et Dr OCB au restaurant Balasogo du Parc National.

 

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