Aissatou Toure, COHRED – Discours lors de la cérémonie d’ouverture Bamako 2008 – Forum ministériel mondial sur la recherche pour la santé Votre Excellence Amadou Toumani Touré, Président du Mali, Dr Margaret Chan, Directeur-Général, Organisation mondiale de la santé, Genève, Dr Walter Erdelen, Directeur-Général adjoint pour les sciences naturelles, UNESCO, Mme Joy Phumaphi, Vice-présidente, Réseau du développement humain de la Banque mondiale, Dr Gill Samuels, Présidente, Forum mondial de recherche pour la santé, Honorés invités, Mesdames, Messieurs, Introduction Au nom du Conseil de la Recherche en Santé pour le Développement (COHRED), je souhaite exprimer notre gratitude au gouvernement malien, qui accueille cet important Forum ministériel sur la recherche pour la santé. C’est pour moi un plaisir et un privilège que de prononcer ce discours au nom de Mme Marian Jacobs, présidente du Conseil du COHRED. COHRED est actif depuis plus de quinze ans dans le domaine de la recherche pour la santé. Nous nous concentrons sur la recherche nationale essentielle pour la santé et, aujourd’hui encore, sur les systèmes de recherche nécessaires afin de soutenir la recherche en santé au niveau national. COHRED a été l’initiateur de la Conférence internationale sur la recherche en santé pour le développement qui a eu lieu à Bangkok en 2000. Nous voyons maintenant avec plaisir combien l’intérêt pour la recherche en santé s’est accru au fil des ans et nous pouvons constater que bien plus nombreux sont aujourd’hui les acteurs issus de différents secteurs qui se sont engagés à faire avancer les choses et à veiller à ce que la recherche pour la santé entraîne vraiment une réduction des inégalités sanitaires et qu’elle contribue réellement au développement national. Cette année, trente ans après la conférence d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires, l’OMS a publié son Rapport sur la santé dans le monde 2008, intitulé « Les soins de santé primaires, maintenant plus que jamais ». Quant à la Commission des déterminants sociaux de la santé, elle a publié son rapport final il y a trois mois. Ces rapports et ces mouvements présentent nettement une philosophie, des valeurs et des principes communs. Ils défendent une approche pluridisciplinaire de la santé et du bien-être. Ils plaident en faveur de l’inclusivité, de la participation des acteurs locaux et d’un engagement transsectoriel, pour une meilleure santé pour tous. Mesdames, Messieurs, la recherche est une stratégie essentielle qui peut nous aider à atteindre l'objectif de la santé pour tous de différentes façons: • en fournissant de nouveaux produits et médicaments encore meilleurs, • en élaborant des politiques de santé qui soient actuelles et mieux pensées, • et en apportant aux patients les connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions à propos de leur santé. Cette conférence se penchera sur les grands défis que rencontre la recherche en matière de santé. Notre attention se portera également sur la manière dont il faut organiser la recherche, la mener et la gérer afin de relever ces défis. Dr Chan, nous vous adressons nos félicitations, à vous-même et à votre équipe, pour avoir ramené l’esprit d’Alma Ata, à savoir l’importance des soins de santé primaires, au centre de l’effort mondial pour la santé. Nos félicitations aussi pour avoir souligné dans le rapport de cette année sur la santé dans le monde le bienfait de l’amélioration des performances des systèmes de santé: il s’agit d’une stratégie vitale lorsqu’on vise une meilleure santé des populations. L’opinion de COHRED sur la recherche pour la santé Du point de vue de COHRED (le Conseil de la Recherche en Santé pour le Développement), trois stratégies sont essentielles pour passer du concept de « recherche en santé » à celui de « recherche pour la santé »: • la première stratégie consiste à adopter un point de vue tenant compte des systèmes en matière de recherche pour la santé; • la deuxième stratégie consiste à garantir l’alignement sur les besoins et priorités nationaux ainsi que l’harmonisation des initiatives nationales et internationales; • la troisième stratégie consiste enfin à engager dans la recherche pour la santé tous les secteurs et acteurs, en particulier les organisations de la société civile. J’aimerais vous exposer plus en détail ces différents points. Adopter un point de vue tenant compte des systèmes de recherche en santé permet de poser les fondements nécessaires pour une gouvernance nationale efficace en matière de recherche. Une optique qui tient compte des systèmes clarifie les rôles et responsabilités du pays dans la coordination de la recherche, elle développe les politiques nécessaires et aide à définir le programme de recherche national. Une fois ces fondements en place, • les gouvernements sont mieux à même d’exiger des connaissances et des preuves particulières sur lesquelles fonder leurs décisions politiques et pour coordonner les efforts de recherche dans leurs pays; • les chercheurs peuvent répondre aux besoins en recherche identifiés dans leur pays et aider à combler les lacunes existantes en matière de connaissances; • les partenaires de la recherche peuvent affecter leurs ressources au financement de programmes nationaux de recherche qui soutiennent le développement; et • les organisations de la société civile peuvent véritablement s’engager dans un dialogue avec les principaux acteurs afin que la recherche pour la santé intéresse tous les groupes de la société. La population, quant à elle, doit toujours être placée au centre de notre travail. Elle tirera bénéfice d’un système de recherche en santé bien gouverné, qui comporte de bonnes lois et politiques qui promeuvent une recherche éthique et respectant l’autonomie, la dignité et les droits des personnes impliquées. Un système de recherche en santé bien gouverné inspire à la population une plus grande confiance en la recherche. Ceci m’amène à l’alignement et à l’harmonisation, la deuxième stratégie principale à être débattue lors de cette réunion. Il est vrai que les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire consacrent d’importantes ressources nationales à la recherche en santé, en particulier dans les domaines de l’infrastructure et du financement des salaires. Mais une grande partie du financement des projets de recherche provient toujours de sources internationales. L’influence de ces sources internationales est importante, tout comme leur capacité à influencer les programmes nationaux, au risque peut-être de les dénaturer. L’alignement, défendu par la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, est l’une des manières d’obtenir que le financement de la recherche se concentre sur les priorités nationales. La pratique active de l’harmonisation allège la charge administrative pour les pays et les pressions exercées pour la présentation de rapports complexes aux nombreuses agences donatrices qui soutiennent leur recherche. COHRED et un certain nombre de partenaires ont récemment mené une étude sur l’alignement et l'harmonisation de l’aide dans la recherche pour la santé (AHA) qui a examiné comment appliquer au mieux les principes de la Déclaration de Paris à la recherche en santé. Cinq pays africains et huit pays donateurs ont été impliqués dans l’étude. Certains participants se trouvent d’ailleurs aujourd’hui parmi nous. L’étude a mis en évidence le fait qu’aucun des cinq pays africains en question ne disposait d’un système de recherche en santé pleinement opérationnel, dont les programmes de recherche, les priorités et les politiques soient bien établis, ni de stratégies stables pour le financement de la recherche. Elle soulève aussi le probléme que, pour ces cinq pays africains, les donateurs extérieurs représentent au moins 90% du financement disponible pour la recherche en santé. Nous espérons que le Forum ministériel fera progresser le débat cette semaine et qu’on y étudiera comment parvenir à des approches bénéfiques pour toutes les parties en matière de financement de la recherche en santé. Mesdames, Messieurs, mon troisième message important de ce jour porte sur le caractère inclusif et sur l’engagement. L'objectif final de la recherche pour la santé, nous l’avons dit, est une meilleure santé pour tous. Mais pour y arriver, il faut la participation de tous les acteurs issus des différents secteurs et disciplines. Des acteurs importants du paysage de la recherche pour la santé, pourtant souvent oubliés, sont les organisations qui représentent les intérêts de certains groupes de la société, à savoir les organisations de la société civile. Elles sont essentielles pour réaliser le potentiel de la recherche pour la santé. Ces organisations jouent, en effet, un rôle important en ajoutant de la valeur à la recherche pour la santé, et ce de diverses manières: • Les organisations de la société civile initient, gèrent et animent des études qui englobent la santé au sens large, y compris les déterminants de la santé et les inégalités relatives à la santé; • Elles peuvent demander des comptes à tous les acteurs sur les engagements qu’ils ont pris en matière de recherche pour la santé; Il est important de reconnaître que les organisations de la société civile peuvent améliorer la qualité, la portée et l’utilité de la recherche pour la santé. Elles permettent en outre la construction de partenariats avec et par les organisations de la société civile autour des préoccupations communes sur les priorités nationales et mondiales. Mesdames, Messieurs, honorés membres du panel, Nous attendons beaucoup de ce Forum ministériel. Les participants à cette réunion représentent un large éventail de secteurs et d’acteurs, y compris les agences internationales de financement et les organisations de la société civile. Et, pour la première fois, cette réunion voit plus loin que ceux qui sont directement impliqués dans la santé: elle compte également des collègues venant des secteurs gouvernementaux des sciences et de la technologie. Il est révélateur que des leaders en recherche médicale pour le développement et des ministres de la santé, des sciences et de la technologie soient venus du monde entier pour se retrouver en un même lieu pendant les trois jours qui viennent. Une réelle interaction entre ces différents groupes: voilà ce dont nous souhaitons être témoins. Les différents points évoqués ont soulevé bon nombre de débats et éveillé bien de l’intérêt au cours des mois de préparatifs qui ont précédé cette réunion. Nous exprimons le souhait qu’à l’occasion de ce Forum, chacun de nous se fixe comme objectif d'aller au-delà des discussions. Nous devons définir des points d’action réalisables visant une meilleure recherche pour la santé, des points d’action à partir desquels les ministres, les chercheurs, les organisations de la société civile et les institutions de financement pourront agir au cours des années à venir. À tous, je vous souhaite une fructueuse et intéressante conférence Bamako 2008.
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